31 Dec
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 L'épidémie de COVID-19 et le confinement  imposé au Sénégal au premier trimestre 2020 a conduit les Etablissements Le Calame (ELC) à mettre à disposition leur plateforme en ligne pour assurer la continuité pédagogique pour ses élèves de Seconde S à partir de mars 2020. 

Cette plateforme a accueilli pendant quatre mois 100 élèves et 10 enseignants tous volontaires, provenant essentiellement des lycées Seydina Limamou Laye, Kennedy, Blaise Diagne, Ahoune Sané de Bignona, Thionck Essyl, CRFPE de Kolda, Maison d’éducation Mariama Ba.

La plateforme a également permis aux élèves d’aller à la rencontrer du monde grâce à des collaborations en ligne avec des élèves de Suède, Hawaii et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Les parents et les enseignants étaient heureux de disposer d'une telle alternative car, la pandémie ayant pris tout le monde par surprise, les écoles n'étaient pas du tout prêtes à passer à l’enseignement en ligne de manière aussi abrupte. Certains enseignants ont dû faire face à des difficultés lors des premières sessions, mais ont fini par maîtriser leur classe en ligne. 

Une des enseignantes a utilisé cette expérience en ligne pour sa thèse de maîtrise en éducation. Nous partageons ci-dessous quelques conclusions tirées de cette expérience pour les apprenants, leurs parents et les enseignants, tous citoyens sénégalais. Les principaux thèmes qui sont ressortis de sa recherche étaient donc fortement / exclusivement basés sur la culture et le contexte sénégalais, mais pourraient très bien s'appliquer à d'autres pays africains - francophones ?

Cette étude examine l'acceptabilité de la formation en ligne dans l'enseignement secondaire dans le contexte de la culture sénégalaise. Elle se situe à l'intersection des réflexions sur les champs conceptuels traitant de la culture et de l'enseignement à distance médiatisé par les technologies éducatives. La réflexion a été guidée par le questionnement sur la manière dont les étudiants, les enseignants et les parents ont vécu l'éducation en ligne imposée par l'arrêt des cours en présentiel. 

De grandes avancées ont été réalisées mais l'apprentissage en ligne en Afrique est confronté à un certain nombre de défis que KARSENTI et COLLIN appellent "distances" : la distance spatiale, la distance temporelle, la distance technique, la distance socio-économique, la distance socioculturelle et la distance pédagogique (KARSENTI T. a., 2011). 

Distance spatiale : en Afrique, l'enseignement à distance exige parfois que les étudiants se rendent dans des lieux équipés parce qu'ils ne disposent pas d'un équipement adéquat ou d'une connexion internet à la maison. 

Distance temporelle : le retard de communication entre les enseignants et les apprenants (ne pas voir ou entendre l'enseignant lorsqu'il est dans une culture orale) peut être une entrave pour ces derniers : la distance temporelle devient donc un problème. Et comme la culture africaine est essentiellement orale, la communication asynchrone peut être un véritable blocage. 

Distance technique : KARSENTI et COLLIN évoquent la distance technique, l'une des plus contraignantes. En effet, en Afrique, la plupart des étudiants n'ont souvent pas les compétences technologiques nécessaires à la formation en ligne et leurs équipements sont parfois dépassés. Ce manque de compétences techno-pédagogiques peut également être constaté chez les enseignants qui, souvent, ne sont pas formés à l'utilisation de la technologie dans leurs classes. En conséquence, la technologie devient un véritable obstacle. 

Distance socio-économique : La distance socio-économique fait référence à ce que l'on appelle communément la fracture numérique, qui est l'un des principaux obstacles à la formation en ligne. En effet, en termes d'infrastructures, l'Afrique est loin derrière les pays occidentaux les mieux équipés. En outre, la connectivité est souvent problématique : parfois totalement inexistante dans certaines régions qui n'ont même pas l'électricité, ou très instable lorsqu'elle est présente. 

Distance socioculturelle : la distance socioculturelle, déjà constatée par presque tous les auteurs qui ont étudié le rôle de la culture dans l'enseignement à distance (REEVES, OLINATRAN, YOUTH) est l'une des plus importantes selon KARSENTI et COLLIN. En effet, les cours d'enseignement à distance ont été conçus à l'origine pour les "Occidentaux" qui ont souvent une culture très différente de celle des Africains. 

Distance pédagogique : cette différence culturelle (appelée distance socioculturelle) peut également être un frein sur le plan pédagogique dans la mesure où les systèmes éducatifs africains sont encore marqués par un enseignement magistral, et donc oral, qui s'oppose à la pédagogie socioconstructiviste. 


Les résultats de l'étude ont mis en évidence les principaux points ci-dessous : 


LES ENSEIGNANTS : Bien qu'affectés par la remise en cause de leur statut d'autorité et bousculés dans leurs habitudes, les enseignants se sont rapidement adaptés et se projettent unanimement dans une formation entièrement en ligne pour l'avenir. Les commentaires des enseignants montrent, d'une part, la nécessité de former les élèves à l'utilisation de la plateforme, et d'autre part, le besoin de "lien social", d'oralité et d'échanges visuels des élèves. 


LES PARENTS : Les commentaires des parents sont encourageants. Bien qu'attachés aux formes traditionnelles d'enseignement qu'ils ont eux-mêmes vécues, face à la nécessité et à l'efficacité constatée auprès de leurs enfants, les parents adhèrent également très majoritairement à la formation en ligne. Ils estiment tous que les cours reçus sur la plateforme sont utiles et montrent que des cours en ligne peuvent être envisagés dans les écoles secondaires au Sénégal. Toutefois, cela nécessitera une plus grande implication des parents et une bonne communication avec eux afin de s'assurer leur collaboration et leur soutien dans la formation de leur enfant. 


LES ÉTUDIANTS : La moitié des élèves interrogés se sont montrés totalement satisfaits, tandis que l'autre moitié était plus réticente. Une analyse plus approfondie a révélé que les élèves de la seconde moitié avaient des difficultés à se connecter (environnement technologique), avaient besoin de liens sociaux et de contacts oraux et visuels. Cela soulève la question des types de médias à utiliser. Les étudiants de la première moitié de l'échantillon se sont également distingués par leur maturité et leur autonomie, ce qui soulève la question de l'âge et du niveau les plus propices à la formation en ligne. 


En fin de compte, l'un des principaux objectifs de la plateforme d’ELC était de ne pas se laisser tétaniser par la pandémie et tirer profit du confinement en créant des possibilités de collaboration pour nos apprenants, mais aussi ceux d'autres écoles. 


En plus de servir de base à la recherche décrite ci-dessus, la plateforme a été utilisée pour des "écoles d'été" en ligne sous la forme de séminaires, de conférences virtuelles et de cours en ligne avec : 

- Le lycée Punahou d'Hawaï (sur les objectifs de développement durable) - African Leadership Academy : sommet virtuel/ camp de leadership pour les jeunes de l'Afrique francophone pour les élèves âgés de 14 à 18 ans. 

- Forum d'échange avec les étudiants à Stockholm sur les conséquences de COVID dans leur vie quotidienne. 

- Conférence en ligne du Forum d'action pour la jeunesse africaine avec Séoul (juillet 2020) 

- Une école d'été sur le design thinking (août 2020) avec Montréal pour développer la créativité des élèves. C'est l'objectif numéro un du design thinking. Cette approche développée à Stanford dans les années 80 vise à appliquer l'approche d'un designer pour répondre à un problème ou à un projet de manière innovante.


Cette recherche sera présentée à Montréal au 8e colloque international du CRIFPE (Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante). 

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